Cet article traitera de la végétation adaptée à la sécheresse qui recolonise les volcans quelques centaines d'années après des éruptions. Pour cela, je vous propose un petit voyage sur des sentiers très peu fréquentés de Lanzarote.
Lanzarote est une île volcanique d'environ 800 km², faisant partie des plus grandes îles de l'archipel des Canaries. Cette île presque aussi ancienne que sa voisine celle de Fuerteventura, regroupe environ trois cents cônes volcaniques ! De par le fait, son paysage revêt souvent un aspect lunaire et désolé, toujours fascinant.
Le paysage surréaliste d'El Golfo
Le volcanisme de Lanzarote s'explique par l'apparition de fractures importantes dans la croûte de la terre, permettant l'ascension du magma jusqu'à la surface. Cette activité volcanique date de quinze à vingt millions d'années. Personne ne sait aujourd'hui combien de temps ceci perdurera...
La dernière éruption est celle de 1824, elle a duré 86 jours, créant trois cônes volcaniques sur une surface d'environ cinq kilomètres carrés. La coulée de lave s'est étendue sur plus de quatorze kilomètres et s'est écoulée dans la mer. Durant les dix années précédant cette catastrophe, les habitants ont ressenti de fréquents tremblements de terre. Une lave très fluide et bouillante inonda alors la zone proche du village de Mancha Blanca.
L'île abrite d'autres volcans récents comme les grands champs de lave (ci-dessus) du Parc National de Timanfaya (s'étendant sur 51 km²), appelé aussi les Montagnes de feu (Montanas del Fuego)
Les éruptions majeures se sont produites du 1er septembre 1730 au 16 avril 1736. Elles ont recouvert 25 % de l'île. Vue la quantité de lave rejetée (trois à cinq kilomètres cube) et la durée de ces éruptions, elles figurent parmi les plus importantes de l'histoire du volcanisme.
Huit millions de mètre cube de lave ont recouvert plus de 400 maisons et ont édifié trente deux cônes volcaniques, alignés sur une grande fissure de 18 km !
Cascade de lave
Hélas, cette immense étendue recouverte aujourd'hui par la mer de lave était la zone la plus fertile de l'île !
Je vous propose une balade en bordure de la mer de lave et l'ascension du plus grand volcan (en bordure du parc de Timanfaya) afin de découvrir les plantes qui ont lentement regagné du terrain...
Dans la mer de lave, ici, aucune plante remarquée. Toutefois, l'exploration est extrêmement difficile, voire impossible. Seuls des lichens se sont installés, sur la face nord-nord-est des roches, profitant de l'humidité apportée par les alizés omniprésents.
Au sud de l'île, dans les endroits où la mer de lave est plus ancienne, seul Opuntia dillenni peut croître dans des endroits aussi hostiles (ci-dessous). Cette oponce a donc été importée puisqu'elle d'origine américaine
Entre mer de lave et volcans, quelques plantes se sont installées (ci-dessous)
Au premier plan, une Euphorbia balsamifera, puis derrière, Agave sp.
Dans de tels endroits, les lichens sont les premiers à démarrer le processus de colonisation. Ils aident ensuite à la formation des sols, facilitant ensuite l'installation de plantes plus exigeantes.
L'ascension s'annonce difficile et longue (en haut à gauche, un homme se tient debout)
Après une longue ascension, me voici récompensé par la grandeur du paysage ! Cet imposant cratère possède une caldeira d'une profondeur de 100 m. En une heure de marche, je n'aurai pas fait le tour de cet immense cercle de 1150 m de diamètre, le plus grand de l'île. Visiblement, personne ne s'aventure dans le cratère sous peine d'avoir de sérieuses difficultés pour remonter !
Quelques plantes ont réussi à recoloniser cet endroit difficile, battu par les vents : des lichens bien entendu, mais aussi Eurphorbia balsamifera (au premier plan ci-dessous), de petits buissons épineux comme Aulaga majorera (de la famille des Asteracées, à droite)
En tournant le dos à ce cratère, on peut admirer les volcans rouges de Timanfaya
L'Euphorbia balsamifera semble la plante la plus résistante de l'île (avec le Senecio kleiniae); elle colonise lentement tous les endroits ingrats, difficiles, résistant aux alizés incessants, aux sécheresses prolongées et à l'intense chaleur dégagée par les roches qui l'entourent.
Euphorbia balsamifera poussant sur un volcan près d'El Golfo
Cette plante originaire des Canaries, du Maroc et de Somalie, est d'une remarquable résistance à la sécheresse. Sur Lanzarote où les pluies sont rares (100-150 mm dans l'année, parfois moins), elle survit dans les endroits où l'irrigation humaine est impossible (alors que bon nombre de cactacées rendraient l'âme au bout de quelques années), dans un substrat très minéral (sommet et pentes des volcans, ci-dessus), voire accrochée aux rochers noirs (comme sur tout le bord de mer, ci-dessous, le long de la route vers Orzola)
Eric Kullock, décembre 2017
Vous pourrez admirer une courte vidéo du survol d'une partie du parc de Timanfaya dans cette vidéo trouvée sur Youtube