Aeonium sp.
Lanzarote est une des huit îles des Canaries, archipel espagnol au beau milieu de l'Atlantique. Trois cents cônes volcaniques font de Lanzarote une île au paysage parfois très lunaire, toujours surprenant.
Le climat y est bien ensoleillé, aride, la majorité des pluies annuelles ayant lieu en automne (généralement en novembre), le reste du temps les averses sont éparses. Les alizés soufflant plus de trois cents jours par an assèchent l'air et n'apportent qu'un peu de crachin accrochant les façades Nord-Est des volcans. Les températures de l'air sont voisines de 15 à 20° en hiver, exceptionnellement 10°. L'été, elles sont comprises entre 20 et 30°, et ne montent à 35-40° que quelques jours par an (lorsque souffle le sirocco venu du Sahara)
Aujourd'hui, il n'y a pas de vent, c'est rare. En cette fin août, la chaleur est donc intense, même à dix heures du matin. Par temps calme, le seul palmier reste déformé tellement les alizés y sont habituellement soutenus.
Culture de la vigne près de La Geria
Au centre de l'île, en bordure de l'impressionnant Parc National des Volcans de Timanfaya, la route des vins passant par La Geria et Masdache, nous fait passer entre volcans rouges ou noirs, sur lesquels l'homme a réussi, après un travail titanesque, à cultiver le vin. Les hommes ont creusé un trou dans la pouzzolane noire pour chaque pied de vigne, lequel est entouré d'un muret de pierres volcaniques. Ceci a pour but de couper les alizés du NNE et de garder l'humidité au pied.
Nous sommes fin août. C'est le moment des vendanges. Tout le monde s'affaire à récolter les grappes de raisin à La Geria.
A côté de Masdache, on peut visiter le vignoble d'El Grifo, sur lequel est implanté un Musée du vin, entouré d'un beau jardin de cactus.
Devant à droite, Euphorbia canariensis. Au fond, des Echinocactus grusonii
De beaux Pachycereus pringlei (au fond). Au pied, des Echinocactus grusonii.
Devant, des Espostoa sp.
A droite, près de l'entrée, Agave attenuata
Les cactus du jardin, comme tous ceux des jardins de Lanzarote, sont irrigués, faute de pluies suffisantes. En effet, il tombe généralement une centaine de litres d'eau par m² et par an, ce qui est insuffisant au développement de la plupart des cactacées.
Revenons maintenant à l'extérieur du jardin pour voir les espèces résistantes à l'extrême sécheresse. Ci-dessous, un beau massif d'Opuntia dilenii, espèce que l'on trouve fréquemment sur l'île, même dans les endroits les plus isolés et hostiles.
Prenons un des multiples sentiers partant de l'autre côté de la route : on y voit beaucoup de roches sur lesquelles poussent des Aeonium. Ils sont tellement bas (pour résister au vent puissant) qu'on ne peut avoir une idée du nombre qu'en s'en approchant de près. Ils sont totalement invisibles depuis la route.
Des centaines de milliers d'Aeonium sur des dizaines de kilomètres carrés ! Ces roches sont recouvertes de lichens sur le côté exposé aux alizés (au NNE). Un certain nombre de ces plantes poussent directement sur les roches, avec quelques racines tenant grâce au lichen; dans ces conditions, avec beaucoup de vent, on comprend que la plante ne peut pas se dresser et atteindre une hauteur dépassant 10 à 15 cm (ci-dessous)
Aeonium sp. poussant directement sur la roche
Certains plants croissent dans des conditions un peu plus "sympathiques", en poussant dans les interstices, à l'abri du vent et avec davantage d'humidité (ci-dessous). Ils peuvent alors se ramifier plus facilement
D'autres sont plus téméraires, et on peut remarquer que la vie tient parfois à bien peu de choses ! (ci-contre)
Plusieurs formes semblent cohabiter ou s'hybrider, difficiles à déterminer à l'époque où les fleurs sont inexistantes (ou fanées). Si je me fie au livre de Joël Lodé (*), je pense qu'il s'agit d'Aeonium lancerottense (si les fleurs sont roses)
Ecrasés par la chaleur sur les roches, ces plantes montrent de forts signes d'assèchement mais leur adaptation est totale puisqu'elles sont ici depuis bien longtemps et se ressèment partout. Pour les avoir vus à une autre période de l'année, je peux affirmer qu'elles ont meilleure allure en février, plus vertes et "regonflées" (ci-contre)
En poursuivant le chemin tortueux, je longe à nouveau des pieds de vigne, dont les racines semblent plonger à une grande profondeur.
A la sortie ouest du hameau de Masdache, on peut continuer le chemin à pied. La marche se fait prudemment sur les grosses roches, mais reste possible à condition d'avoir de bonnes chaussures et de faire attention à ne pas écraser les milliers d'Aeonium (présents sur la photo ci-dessous)
De cet endroit, on a la possibilité d'admirer aussi le volcan rouge, situé vers le Nord.
On reprend notre voiture quelques instants jusqu'à La Geria pour y acheter du vin et admirer un remarquable et majestueux Dracaena draco, un des plus gros de l'île (ci-dessous)
Ayant parcouru quasiment toute l'île de Lanzarote, j'ai pu voir que les Aeonium poussent dans des biotopes différents:
- ceux qui croissent sur les montagnes près de Ye sont installés sur les flancs Nord et Est des collines, souvent exposés au brouillard côtier car les nuages bas amenés par les alizés restent accrochés aux altitudes de 500 à 600 m. Ils reçoivent davantage de pluie et d'humidité. Ils sont un peu plus gros et poussent sur les endroits pentus
- ici, la chaleur est plus importante, l'ensoleillement plus généreux et la sécheresse plus accentuée. De plus, l'enracinement est superficiel. Tous ces éléments montrent que les Aeonium de Lanzarote sont extrêmement résistants (terre pauvre, peu d'eau)
En collection, il n'est donc pas indispensable de leur donner une épaisseur de terre importante. La période sèche peut (ou doit) être longue, ces plantes ayant la capacité de se "regonfler" en peu de temps. L'ensoleillement doit être généreux en toute saison, ce qui semble être l'élément le plus difficile à reproduire dans le nord de la France.
Les autres plantes succulentes adaptées aux conditions de sécheresse les plus extrêmes feront l'objet d'un prochain article.
Eric Kullock, septembre 2017
(*) LODE Joël, Plantas suculentas de las islas Canarias, ed. Turquesa, 2010, 367 p.